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En
plein cœur du
Sahara, les arbres secrets des Touaregs
(SYFIA-Algérie) Des arbres jeunes et vigoureux en plein désert
: cela existe. Les Touaregs qui veillent sur eux en sont très
fiers. Mais, jusqu'à présent, ils ne les avaient jamais
montrés à un visiteur.
Nous sommes dans la région de Tamanrasset, en plein coeur du
Sahara algérien. La mission scientifique chargée de dresser
l'inventaire de la flore du parc national de l'Ahaggar (également
appelé "Hogar" ) s'enfonce dans les montagnes du même
nom. Le guide, Ahmed, est un Touareg de la tribu des Dag Rhali qui
occupe le territoire en question. Aujourd'hui, il a promis aux membres
de la mission de leur faire découvrir l' "iguer" ,
le pistachier de l'Atlas. Les scientifiques connaissent déjà quelques
vieux spécimens, déjà signalés par les
premiers explorateurs de la région. Ils ont précédemment
rendu visite à ces arbres isolés plusieurs fois centenaires
et sans fruit. Témoins du passé plus humide du Sahara,
ces vieillards desséchés, en voie de disparition, font
figure de reliques.
Puits
de Kergougou
Les sites vers lesquels Ahmed dirige le groupe sont totalement inconnus
des scientifiques. Ils ont été jusque-là gardés
secrets par les Dag Rhali. A leur grand étonnement, les visiteurs
découvrent, dissimulés dans un canyon, une quinzaine
d'arbres qui sont loin d'être vieux. La majorité ne sont
encore que de frêles tiges de 8 à 10 ans d'âge.
Les autres sont adultes. Leurs branches forment un houppier au feuillage
dense et ils portent des fruits en abondance. Ce n'est que la première
surprise. Plus loin, un deuxième, puis un troisième canyon
offrent le même spectacle d'une nature généreuse
et bien protégée.
Comme l'explique Ahmed, les Dag Rhali tirent une certaine fierté de
ces arbres qui, dans leur esprit, n'existent nulle part ailleurs. Leur
port majestueux n'est pas la seule raison pour laquelle ils les protègent.
Le feuillage comme les fruits des pistachiers fournissent un fourrage
apprécié et providentiel en période de sécheresse.
Les Touaregs attribuent à ces arbres des vertus médicinales.
Ils utilisent également leur bois très dur pour fabriquer
des objets artisanaux. Le bois du pistachier peut en effet remplacer
l'ébène.
Le désert, réservoir de gênes
Les pistachiers découverts par l'expédition scientifique
sont jalousement gardés par les Touaregs. Non seulement ils
ont survécu à l'aridification du Sahara, mais ils arrivent,
dans cette région où les précipitations n'atteignent
guère les 100 mm par an, à se régénérer à l'occasion
de pluies exceptionnelles.
Contrairement à ce que pensent les Touaregs de l'Ahaggar, le
pistachier de l'Atlas ( Pistacia atlantica ) est un arbre que l'on
trouvait dans tout le Maghreb. Il est cousin du pistachier vrai ( Pistacia
vere ), cultivé pour ses fruits, les pistaches. Il n'y a pas
si longtemps, le pistachier de l'Atlas était très répandu
sur les hauts plateaux steppiques. A la faveur des lits des oueds,
il pouvait pénétrer assez profondément dans les
régions septentrionales du Sahara. Depuis, le surpâturage
et les coupes sauvages ont eu raison de cet arbre pourtant plein de
ressources.
Dans les programmes de reboisement, on lui préfère des
espèces à croissance rapide, telles que le pin d'Alep,
le cyprès ou l'eucalyptus. Pourtant, sa résistance au
climat rigoureux (froid, chaleurs extrêmes, longues périodes
de sécheresse), son adaptation aux sols pauvres et ses qualités
fourragères devraient militer en sa faveur. Sa présence
dans les montagnes de l'Ahaggar est une preuve de son extraordinaire
résistance puisqu'il se trouve à près de 1500
km de son aire de répartition normale. Le Parc national de l'Ahaggar,
dont le siège se trouve à Tamanrasset, a été créé en
1987. Il couvre 400 000 km2 et s'étend jusqu'aux frontières
malienne et nigérienne. 1200 espèces végétales
ont été recensées sur ce territoire. Il s'agit
de plantes extrêmement résistantes qui constituent un
réservoir génétique très précieux.
Mohamed Ansar
SYFIA N°84 - janvier 1996 |
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