Les Iklans, esclaves
des Touareg

Cette facette de la société traditionnelle Touarègue
qui a souvent servi d´argument pour expliquer la répression
engagée envers les Touaregs, reste encore aujourd´hui
un point sombre pour les observateurs internationaux.
Les gouvernements du Niger et du Mali en guerre avaient trouvé là un
argument de poids pour faire réagir les populations occidentales,
qui se retrouvaient par là finalement fières d´avoir
colonisé et tenté de raisonner dans le sang ces hommes
hors du temps.
L´origine de l´esclavage chez les Touaregs réside
en partie dans la très hierarchisée société Touarègue.
L´Akli comme l´Abîd en Mauritanie, est le plus bas échellon
de l´organisation sociale Touarègue. Les appartenances éthniques
ont bien sûr joué un grand rôle dans cette organisation...
ce sont les Noirs qui subirent ici la domination militaire des Arabes
et des Berbères, délaissant leur culture pour adopter
celle de leurs nouveaux conquérants.
Les Iklan étaient autrefois capturés au Soudan, puis
ils vinrent ensuite de toutes origines... il semblerait qu´ils
n´aient été devenus esclaves que parce qu´ils
avaient la peau noire :la racine du mot Iklan semble en effet être
dérivée de "Kl" qui signifie : "être
Noir". Les esclaves des Touaregs ont formé une lignée
propre de descendants, et lorsqu´il devint difficile de livrer
des guerres à outrance, les descendants des esclaves servaient
les descendants de leurs maitres.
Les Iklan doivent une totale obéissance à leurs maitres,
ils gardent les troupeaux, ils assurent les travaux ménagers,
l´extraction, l´empaquetage, le chargement et le portage
des quilles de sel sur les dromadaires des caravanes ...
Le statut de l´esclave est pour les occidentaux très difficile à transposer
et à comprendre.
À
l´image de l´esclave Noir-américain, l´Akli
est théoriquement privé du droit fondamental de liberté.
En général les Iklan sont préposés à la
garde du troupeau, souvent absents du campement ils ne se marient pas.
Une femme taklid peut se trouver au campement, auquel cas le maitre
peut décider de leur mariage ; ou bien l´akli décider
seul du choix de son épouse, auquel cas le consentement du maitre
est tout de même indispensable. Si l´Akli se marie dans
un même campement, il reçoit de son maitre une chèvre
pour la dot, ce qui suffit selon les règles. S´il s´aventure à vouloir
prendre pour épouse une taklid d´un autre campement, il
ne bénéficiera plus du don de son maitre et devra s´arranger
pour réunir une dot beaucoup plus conséquente (10 chèvres).
Les iklan ne peuvent non plus faire bénéficier leurs
enfants d´un héritage, car tout est possession du maitre
et à leur mort, toutes les possessions de l´akli reviennent à son
maitre.
La relation Maitre - Esclave
Cependant la comparaison avec les esclaves Noirs américains
s´arrête là.
Si de nombreuses règles régissent le régime des
iklan dans le campement, ils disposent cependant d´un statut
un peu plus complexe que lors d´une simple relation dominant-dominé.
Le campement agit comme une micro société, et la proximité jouant,
les relations sont plutôt détendues entre maitres "Imouhar" ou "Imzad" (nobles
et artisans) et "iklan". Les esclaves Touaregs bénéficient
d´une certaine liberté, la vie nomade aidant, et les esclaves
se doivent de participer à la vie sociale du campement, d´en
récolter les malheurs et les bénéfices.
L´hostilité du désert rapproche également
maitres et esclaves, les difficultés des uns étant indissociables
des difficultés des autres. Ce n´est bien sûr pas
partout le cas, mais les Iklan et les Imouhar mangent souvent à la
même table, cela vient entre autre du fait que les enfants des
deux castes sont élevés ensembles, sans distinction d´appartenance
: a complicité est indéniable.
Point intéressant également, les Touaregs nobles ne peuvent
pas se séparer de leurs esclaves devenus trop vieux, ils ont
le devoir de les prendre en charge de la naissance à la mort.
En revanche si un esclave fait une faute grave, il perdra définitivement
toute considération et le maître aura droit de vie ou
de mort sur son esclave.
.
L´akli a également le droit de demander à changer
de maitre si celui-ci le maltraite! Mais il faut compter avec la colère
de ce dernier qui en général s´arrange pour que
l´akli paie ce passage en y perdant ses quelques privilèges...
en commettant par exemple une faute grave à sa place!
Les Touaregs nobles parfois se sont pris de passion pour une taklid,
et se mettent en concubinage avec celle-ci :il se trouve que la femme
Targuia noble a une place de choix dans la société Touarègue,
les hommes lui doivent un grand respec et en courtisant une taklid,
ils s´évitent donc certains caprices et une dot de mariage
conséquente. Les enfants de ces couples mixtes sont libres,
mais ne sont pas Imouhar, nobles, il forment une caste intermédiaire
: les iborelliten.
Les femme elles aussi se compromettent parfois avec un akli, mais entâchent
de ce fait sévèrement leur réputation auprès
du campement... le fait est pourtant courant, protégé par
la légende qui les empêche d´avoir des enfants de
cette relation.
Notons enfin que les esclaves bénficient parfois d´un
capital : quelques chèvre qui lui appartiennent, offertes par
le maitre.
L´affranchissement
On peut rapprocher cette notion de son équivalent européen
du moyen âge, les serfs (mot d´origine arabe) peuvent recevoir
cette faveur du maitre lorsqu´ils ne sont plus capables de rendre
service, lorsque trop vieux, son maitre le libère et l´akli
devient iderfen, affranchi.
C´est aussi en guise de remerciement lorsque les iklan ont aidé courageusement
leur maitre lors d´une des innombrables guerres de clans, cela
a été fait à quelques reprises, notemment chez
les Touaregs du Soudan.
Les iderfen se sédentarisent et reviennent à la culture,
ou à l´élevage. Ils s´associent en général
avec des cultivateurs et survivent tant bien que mal aux limites du
Sahel.
Il existe une forme particulière d´affranchissement, qu´il
est plus juste d´appeller don de semi-liberté.
Il est donné souvent lorsque les esclaves sont devenues trop
nombreux, ou que le maitre ne peut plus nourrir son akli.
Dans ce cas le Targui noble reste toujours maitre, il a pouvoir sur
les biens et la personne. En cas de guerre il peut faire appel á eux
pour porter les armes. Bellah, Bouzou, iklan n egef (prisonnier des
dunes), ces semi affranchis font des petits travaux artisanaux, poterie,
ramassage de bois, et peuvent gagner leur vie librement. Ils forment à eux
seuls des clans organisés où ils se hiérarchisent,
et vivent finalement comme leurs maitres passés : sous la tente
(on en rencontrait surtout dans les régions de Gao et Tombouctou
au Mali).

La fin de l´esclavage (?)
Les partisans du colonialisme s´arrangent à dire que l´esclavage
a disparu grâce à la présence des français!
S´il est vrai que les français ont milité sur place
pour la disparition de ces pratiques, il n´était pas possible
de faire disparaitre un phénomène ancré dans une
société millénaire.
Les tentatives d´abolition totale de l´esclavage n´ont
pas abouti la plupart du temps. La libération de femmes et d´hommes
par une autorité extérieure au camp désoriente
les esclaves libérés, qui ne voulant plus se remettre
au travail de la terre, survivent tant bien que mal en marge des sociétés
qu´ils côtoient. Dans les initiatives modernes d´abolition
de l´esclavages, une attention particulière est portée à cette
forme de reconversion (voir article en fin de texte).
La fin de l´esclavage fut inexorable dans les années 60
avec l´influence des autre cultures sahariennes ainsi que la
disparition des rezzou (razzias) et des guerres de clans, les femmes
touarègues se sont doucement mises à remplacer leurs
esclaves pour les tâches ménagères et battre le
mil par exemple.
Lorsque la rébellion Touarègue se développa à partir
de 1990, de nombreux anciens esclaves prirent aussi les armes, ils
ont même formé un mouvement propre : l´Armée
Révolutionnaire de l´Azawad au mali (ARLA).
Discussion, et aujourd´hui?£
La relation maître-esclave chez les Touaregs est une relation
complexe, un mélange de complicité et de servitude, mais
aussi un respect historique de cette hiérarchie pour les deux
partenaires. Le fait d´avoir voulu abolir l´esclavage de
façon brusque aurait impliqué que la relation entre l´imouhar
et l´akli soit un rapport de domination inconditionnelle, ce
qui n´était pas le cas.
Henri Lhote (voir plus bas) dans son ouvrage qualifie ces rapports
de "rapports humains". Si il est vrai que l´esclavage
est une notion qui touche beaucoup les européens, qui ont tous étudié au
lycée la vision qu´avait Montesquieu par exemple sur ce
point, c´est aussi une notion qui dans le contexte des sociétés
Touarègues prend une connotation particulière : société primitive,
nomade et dans un milieu hostile... l´organisation du campement
s´est découpée en fait selon les forces et les
faiblesses actuelles de chacun, et les acteurs de la société semblent
accepter leurs rôles respectifs.
Le Niger criminalise l'esclavage
par Saïd Aït-Hatrit
Pour la première fois dans l'histoire du Niger, les textes
juridiques criminalisent la pratique de l'esclavage et fournissent
aux captifs les moyens de se défendre contre leurs maîtres.
L'Assemblée nationale nigérienne a voté lundi
5 mai un nouveau code pénal qui réprime les pratiques
esclavagistes et les érige en crimes ou délits. Une
modification rendue possible grâce au travail constant de l'organisation
non gouvernemental (ONG) nigérienne Timidria*, " Fraternité " en
langue tamachèque, le dialecte Touareg. C'est elle qui a rédigé la
loi relative à l'esclavage proposée en 2000 à la
Commission chargée de réformer les textes juridiques
au Niger. " Après cinq reports d'examens du texte, la
loi a enfin été votée ", se réjouit
le président de l'ONG, Ilguilas Weila.
Afrik : Quels changements va apporter la modification du code pénal
dans la lutte contre l'esclavage ?
Ilguilas Weila : Depuis l'adoption de cette loi, l'esclavagisme est
considéré comme un crime ou un délit. Pour ce
qui est de l'aspect criminel, si un maître force son esclave à des
rapports sexuels, il commet un viol et encourt une peine allant de
5 à 30 ans de prison, plus une amende allant de 5 à 10
millions de F CFA. Pour ce qui est de l'aspect délictueux,
si un maître frappe son esclave, par exemple, il commet un
délit et encourt une peine allant de 2 à 5 ans de prison,
plus une amende allant de 500 000 à un million de F CFA.
Afrik : Avant ce vote, est ce que les textes permettaient de lutter
contre la pratique de l'esclavage ?
Ilguilas Weila : Auparavant, il n'y avait absolument rien qui permettait
de lutter contre cette pratique. Les textes parlaient du délit
de " confiscation de la liberté " mais l'interprétation
de cette formule restait à l'appréciation du juge.
Souvent, une femme esclave pouvait être présentée
comme l'épouse de son maître. Il y a bien ce cas exceptionnel,
en 1999, où pour la première fois de l'histoire du
Niger, un chef traditionnel a été condamné pour
un délit qui l'opposait à ses administrés. C'était
un Touareg blanc et il traitait ces derniers comme des esclaves.
Pour lui, tous les Noirs, qu'ils soient peuls, kanouris, ivoiriens
ou béninois, étaient des esclaves.
Afrik : A votre connaissance, y a-t-il tout de même des précédents
de maîtres à qui on aurait retiré leurs esclaves
ou qui auraient été emprisonnés ?
Ilguilas Weila : Il n'y a absolument rien. A plusieurs reprises nous
avons, avec Timidria, apporté les preuves de cas d'esclavage
devant la justice mais rien n'a été fait. En juillet
2000, un maître nigérien a vendu une de ses esclaves à un
riche commerçant du Nigeria. Nous avons eu écho de
cette histoire et en septembre 2001 nous sommes allés la récupérer
dans ce pays. L'enfant a porté plainte. Nous avons présenté le
vendeur et l'acheteur à un juge, à Madaoua, qui les
a remis en liberté aussitôt. Pourquoi ? Parce qu'il
ne trouvait rien à leur reprocher. Il ne voyait dans la transaction
qu'un simple mariage.
Afrik : En novembre 2001, lors d'un forum organisé à Niamey
par le Bureau international du travail (BIT), les chefs coutumiers
nigériens ont reconnu l'existence de l'esclavage dans certaines
zones du pays et se sont engagés à le combattre. Leurs
promesses ont-elles été suivies dans les faits ?
Ilguilas Weila : Rien n'a changé. Absolument rien. A la faveur
de cette réunion, le BIT leur a distribué l'argent
destiné à couvrir leurs frais de déplacement
et ils ont fait leur déclaration. Un an après, nous
les avons interpellés quant à leurs engagements par
le biais d'un courrier. Ils n'ont pas réagi. Le 10 mai dernier,
nous avons tenu un atelier pour présenter notre base de données
sur l'esclavage au Niger. Nous avons invité les chefs coutumiers
ainsi que la présidence de la République. Seul le gouvernement était
présent par le biais du Garde des Sceaux.
Afrik : Justement, quelle est l'attitude des autorités politiques
vis-à-vis de l'esclavage ?
Ilguilas Weila : Auparavant, elles étaient en quelques sortes
complices. Quand nous les rencontrions, elles nous disaient : " Il
faut continuer ". Quand les maîtres, qui sont en majorité des
chefs coutumiers, leurs rendaient visitent, elles se faisaient toutes
petites et leur disaient : " Faites ce que vous avez à faire ".
Afrik : Qui sont ces chefs coutumiers ?
Ilguilas Weila : Avant les colonies, la région actuelle du
Niger était composée de royaumes africains qui pratiquaient
allègrement l'esclavage. En 1905, le gouverneur de l'AOF (Afrique
occidentale française, ndlr) a émis un décret
par lequel il mettait fin à la traite des esclaves. L'esclavage
a disparu du Bénin, de la Côte d'Ivoire... mais au Burkina
Faso ou au Niger, la pratique a perduré. Car les Français,
pour gérer leurs territoires, se sont appuyés sur les
chefs traditionnels. Ils ont donc été leurs complices
tacites dans la continuation de la traite des esclaves. Aujourd'hui,
c'est cette même aristocratie qui s'est perpétuée
et qui pratique l'esclavage. Elle le fait d'autant plus facilement
qu'elle détient les rênes du pouvoir politique, économique
et judiciaire.
Afrik : Avez-vous un exemple qui mettrait en scène cette réalité ?
Ilguilas Weila : Nous avons présenté à la justice
le secrétaire-général du ministère de
l'Environnement qui avait trois enfants comme esclaves. Deux jeunes
filles âgées de 12 et 16 ans et un garçon de
20 ans. Un matin, il s'est levé et a décidé d'aménager
sa cuisine pour y faire vivre ces trois enfants. " Préparez
la cuisine et arrangez-vous pour me faire de petits esclaves ",
leur a-t-il dit. Les enfants se sont alors enfuis et sont venus vers
nous. Le jour où nous les avons présentés au
Parquet, le juge nous a menacé de prison pour séquestration. " Ou
vous retirez la plainte ou vous êtes jetés en prison. " Nous
avons continué et l'affaire a été classée.
Afrik : Dans ces circonstances, pensez-vous que les autorités
auront le courage d'appliquer la loi ? D'autant plus que le flagrant
délit doit être difficile à prouver dans certains
cas, notamment ceux que l'on désigne par le terme d'" esclavage
passif "** ?
Ilguilas Weila : Nous sommes optimistes par rapport à l'aboutissement
de tout cela. Du 5 au 12 mars derniers, plus de 100 personnes traitées
en esclaves sont venues se déclarer auprès de notre
ONG. Elles ne faisaient même pas partie du recensement que
nous avons réalisé et qui établit le nombre
d'esclaves au Niger à 870 364. Lorsque nous leur avons demandé pourquoi
elles ne s'étaient pas fait connaître avant, elles nous
ont dit qu'elles avaient peur et qu'elles croyaient que leurs maîtres étaient
dans leur bon droit, que ce qu'ils faisaient était légal.
De 1905 à 1913, l'esclavage a été éradiqué dans
la région du Niger par le biais du décret dont je vous
ai déjà parlé. De la même façon,
aujourd'hui, à partir du moment ou l'on dit mettons fin à tout
cela, il est possible de tout arrêter. Chacun laissera tomber
tout seul. J'ai déjà dit que voter une aussi jolie
loi était très bien mais que veiller à son application était
plus important. Nous y veillerons.
* Timidria se bat depuis sa création, en décembre 1991,
contre la pratique encore répandue de l'esclavage au Niger.
Représentée sur tout le territoire, elle s'occupe de
dénoncer tous les cas d'esclavage qui lui parviennent en prenant
soin d'intenter des actions en justice contre les présumés
esclavagistes. En amont, Timidria réalise un important travail
d'éducation et de sensibilisation auprès des populations
rurales, à travers ses dix écoles communautaires et
au cours de tournées foraines qui l'entraînent dans
les villages les plus reculés du pays.
**L'esclavage se présente sous trois formes. Le plus dur,
l'esclavage archaïque, suppose le déni de la personnalité humaine
et autorise le maître à toutes les exactions sur l'esclave
qu'il considère comme son bien. Il existe une autre forme
d'esclavage qui aurait un fondement religieux, et qui permet à un
homme déjà marié à quatre femmes de prendre
en cinquième noce une esclave. Enfin, l'esclavage dit " passif ",
que l'on retrouve dans la zone ouest du Niger, serait entretenu avec
la complicité des esclaves eux-mêmes. Ces esclaves ne
font l'objet d'aucune brimade physique, ni d'exploitation économique
directe et ont droit à la propriété privée,
mais ne peuvent pas posséder de terres.
Le Niger brise les chaînes
Eradication du travail forcé
jeudi 22 novembre 2001, par Maya Larguet
Cent cinquante-trois ans que l'esclavage a été aboli
mais il court toujours au Niger. Plus pour longtemps, espérons-le.
Les chefs traditionnels nigériens se sont fermement engagés à plaider
pour l'éradication du travail forcé et des pratiques
esclavagistes
Un vent de modernité souffle sur le Niger, de quoi se réjouir.
Plus de 200 chefs traditionnels nigériens, des sarki, se sont
récemment réunis à Niamey durant trois jours
dans le cadre d'une conférence sur le travail forcé.
Ils ont pris une importante décision. " Nous nous engageons à oeuvrer
pour l'éradication du travail forcé et des pratiques
esclavagistes conformément aux conventions de l'Organisation
Internationale du Travail ", voici la déclaration solennelle
de l'ACTN, l'Association des Chefs Traditionnels du Niger, qui permet
d'espérer un changement dans les comportements esclavagistes
encore recensés au Niger.

Incontournables chefferies
Cette décision n'a pas été facile. Trois jours
de débats houleux et de discussions passionnées pour
ce sujet extrêmement sensible. C'est pourquoi le Bureau International
du Travail, le BIT, à l'origine de la rencontre, a décidé de
convoquer les chefs traditionnels. Dans une société encore
totalement sous l'emprise de ceux-ci et compte tenu de leurs poids
dans la vie quotidienne, il était indispensable que ces précieux
interlocuteurs soient présents à la table qui réunissait
des experts du BIT, des représentants du gouvernement et du
patronat ainsi que des associations islamiques.
Des chefs venus de partout, même des zones les plus reculées
du Niger. De Diffa par exemple, une localité sur les bords
du lac Tchad, à quelques 1500 kilomètres de Niamey.
Des chefs originaires de toutes les tribus, des haoussa aux touareg.
Tous d'accord sur un même point au début de la session
de travail : l'esclavage n'existe pas au Niger. Les trois jours n'ont
donc pas été de trop pour que les langues se délient
ni pour faire prendre conscience à ces chefs tribaux qu'une
part de ce qu'ils nomment coutumes ancestrales peut avoir un lien
avec cet esclavagisme dont ils nient l'existence.
Prise de conscience
L'ampleur exacte du phénomène au Niger n'est pas établie.
Mais plusieurs témoignages d'organisations locales attestent
que l'esclavage et des pratiques assimilées existent toujours
au Niger. Les pires témoignages de ces phénomènes
ont notamment été recensés dans le nord pastoral,
majoritairement peuplé par les Touareg et les Arabes. D'ailleurs,
les chefs haoussa, en insistant pour se disculper, n'ont pas omis
d'accuser clairement les chefs touareg d'entretenir ce phénomène.
Petit règlement de compte qui a permis à tous d'arriver à parler
de ce qu'ils niaient quelques instants auparavant !
Libératrice parole qui permet d'aboutir à une prise
de conscience collective. Les sarki se sont cependant efforcés
de s'expliquer et de justifier leurs pratiques auprès du BIT
et du gouvernement nigérien. D'abord en ayant recours à un
argument culturel : ce qui est appelé esclavage quelque part
ne l'est pas forcément ailleurs. C'est d'ailleurs à cause
de cela qu'ils n'ont jamais pris conscience du phénomène. " Nous
avons bien des esclaves hérités de nos parents mais
je ne savais pas que c'était de l'esclavage. Ce sont des victimes
qui ne veulent plus nous quitter ", explique un chef touareg.
Ensuite est venu l'argument de la pauvreté comme cause fondamentale.
Ouverture
Les pas, une fois appris, se franchissent vite. C'est ainsi que les
chefs tribaux ont fini par s'inquiéter du sort des esclaves
une fois affranchis. Ils se sont vus rassurer par les organisateurs
du BIT qui leur ont promis des mesures d'accompagnement sociales
et économiques pour la sortie de l'esclavage. Les sarki ont également
souligné la nécessité de se faire aider dans
la diffusion du message de lutte contre l'esclavage, notamment auprès
des populations les plus reculées. Et pour cause, le Niger
est un immense territoire, vaste de plus de 1,2 million de kilomètres
carrés. " Il n'y a pas de solution miracle : il faut
convaincre, car on ne peut pas effacer par une seule conférence
ce que des siècles ont gravé dans les esprits ",
insiste Jean Pierre Dehlomenie, un expert du BIT.
NIGER: Une enquête révèle que plus de
870 000 personnes vivent encore en esclavage
Abdoulahi A.
Date : Mercredi 14, Mai 2003 21:34
NIAMEY, 13 mai (IRIN) - En dépit du fait que le Niger a récemment
passé des lois plus strictes contre l'esclavage, plus de 870
000 personnes - environ sept pour cent de la population du pays -
vivent encore dans des conditions de travail forcé, d'après
TIMIDRIA, une association locale des droits de l'Homme.
L'organisation, dont le nom signifie "Fraternité'' en
langue touarègue, vient de publier les conclusions d'une enquête
effectuée en août 2002 dans six des huit régions
administratives du Niger. Celle-ci montre que plus de 870 364 personnes
travaillent encore dans un état de servage. La vaste majorité,
soit 602 000, se trouve à Tillabéry, une région
du sud-ouest, où est située la capitale, Niamey
L'esclavage est une tradition ancrée depuis longue date dans
ce pays enclavé peuplé de 11 millions d'habitants, à la
lisière sud du Sahara, qui a obtenu l'indépendance
de la France en 1960.
TIMIDRIA a indiqué que la pratique était particulièrement
courante chez les pasteurs nomades de l'ethnie touarègue.
Son enquête a révélé qu'à part
Tillabéry, les plus grandes concentrations d'esclaves se trouvent
dans la région d'Agadez, dans le nord du désert, où 87
000 personnes vivent dans des conditions de travail forcé ;
et dans la région de Tahoua, adjacent Tillabéry au
sud-ouest, où elle a recensé 59 000 esclaves.
Au fil des années, de nombreux ateliers et symposiums ont été organisés
pour dénoncer la perpétuation de l'esclavage au Niger.
L'Assemblée nationale a récemment adopté un
nouveau code pénal aux termes duquel " l'esclavage et
les pratiques esclavagistes" sont désormais érigés
en crimes passibles de peines allant jusqu'à 30 ans de prison
fermes.
L' Organisation internationale du travail (OIT) définit le "travail
forcé" comme un travail ou un service exigé de
quelqu'un sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel il
[elle] ne s'est pas offert de plein gré. Cette définition
exclue le service militaire, les obligations civiques normales, le
cas de force majeure, les travaux communautaires et les travaux pénitentiaires.
En Afrique, le Niger, la Mauritanie et le Soudan sont considérés
comme les principaux pays où l'esclavage perdure.
Beaucoup de propriétaires d'esclaves interrogés par
TIMIDRIA ont déclaré que leurs travailleurs forcés
sont un héritage et une responsabilité.
"
Nous avons bien des esclaves hérités de nos parents,
mais je ne savais pas que c'est de l'esclavage ", a déclaré un
chef touareg cité par l'organisation. " Ce sont des victimes
qui ne veulent plus nous quitter".
Selon le professeur universitaire El Back Adam, les esclaves refusent
de quitter leurs maîtres au Niger en dépit des conditions
terribles dans lesquelles ils vivent "parce qu'ils ont un toit
et à manger ". 
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