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Culture / Histoire / Société

EMZAD
Ou les soupirs étranglés




par Ibrahim Manzo Diallo rédacteur en chef de Aïr Info

Chez les peuples nomades Touaregs du Nord Niger, la musique rythme le vécu de tous les jours. Elle panse les blessures indélébiles dues aux écorchures du temps ; crève parfois l’abcès purulent des colères longtemps contenues…La musique est pour les Touaregs un feu intérieur, ce feu de bois qui les réchauffe pendant les nuits froides du Désert. Elle est sans aucun doute un nutriment indispensable aux ahals (causeries poétiques) que le temps s’acharne à arracher à ce peuple aux gestes lents, porté sur la retenue et la noblesse ; sur le silence et le rejet…

La musique occupe une grande place dans cette société où l’on chante pour la pleine lune ; pour le mariage ; pour le baptême, pour un envoûtement, un retour de caravane ou parfois une pluie...abondante. Q’elle soit issue de la tendé (tambour) de l’Ezaley(chant) ou de l’Emzad (vièle monocorde ), la musique fait exalter les valeurs culturelles qui résistent encore.

La vièle monocorde a longtemps été l’instrument qui accompagnait les poèmes chantés, clamés ou déclamés exprimant l’honneur guerrier, l’amour courtois et les lois du nomadisme ancestral.

L’Emzad est la musique qui grise les braves après une razzia fructueuse mais aussi égratigne ceux qui ont failli.
Hélas ! Tout se perd maintenant dans les abîmes des âges. Il n’y a plus des caravanes à attaquer et plus d’espace à visiter pour paître. Il n’était pas de Targui qui demeurait insensible au son langoureux, envoûtant de l’Emzad. Tout les touaregs avaient une de leurs fibres reliée intimement à cet instrument. Mais cette inestimable richesse, cet authentique véhicule des soupirs étouffés, des pleurs camouflés et des hoquets inextinguibles s’éteint à petit feu.
La perte de ce véritable outil d’expression portera à n’en point douter un coup dur à l’âme du peuple Touareg.
Comment sauver alors l’Emzad ? Comment faire pour perpétuer ces symphonies provenant de simples gestes de main de femme sur un fil tendu mais qui flagelle le cœur des hommes les plus endurcis ?

Un large tour d’horizon de détentrices de cet art impose un fâcheux constat : seules trois femmes savent en jouer à travers tout l’Aïr et l’Azawad.


Sauver l’Emzad des ruines ! Sauver l’Emzad des flammes de l’oubli ! Sauver l’Emzad pour sauver l’identité d’un peuple dompteur des ruses du Désert et de vents de sable mais qui s’étourdit dans les vertiges du progrès ! Tout démontre que cette identité se meurt à défaut d’une relève. Les vieux ne transmettent plus et les jeunes n’ont d’ailleurs plus le temps d’écouter. Tout va vite et fait peur.

Poussant leur conservatisme culturel à outrance, les vieux, face au modernisme beau et impétueux, préfèrent se taire. Ils rejettent toute idée de changement dans leur nature. Les jeunes nomades ivres du modernisme ne parlent plus du passé. D’un côté s’offrent à eux un sentier déblayé et illuminé par le renouveau et de l’autre des traces qui les relient à leur quiets mais fragiles campements. Les vieux s’interrogent beaucoup ces dernières années ! Ils se chuchotent à voix basse le drame qui les menace. Les enfants, eux exultent et s’en soucient peu ! Que va t-il arriver ?

Peuvent-ils retrouver les drailles qui le ramèneront à leur oued en décidant d’aller vers l’inconnu ? Pourront-ils retrouver leurs vieux puits, leurs troupeaux efflanqués et leurs délicieuses causeries autour du feu des campements ? Les anciens en doutent fort ! Une fois dans le faste que leur miroite le progrès, vont-ils conserver les bribes de leur identité ?.

A travers ce modeste récit, un jeune nomade parle de la peur et du désarroi qui habitent les siens.


L'imzad

L'imzad est une vièle monocorde dont la caisse de résonance est constituée d'une demi-calebasse recouverte d'une peau tendue sur laquelle sont pratiquées deux ouïes. Un marche en forme d'arc flexible traverse la caisse de part en part.

Groupe Gougaram Laya d'Agadez

La corde, une mèche en crins de cheval, est fixée le long de la marche des lanières de cuir. Le pouce gauche de la joueuse - tamaweyt- se déplace dans une certaine latitude.

Pour jouer, la corde est frottée par un archet en bois très courbé surmonté d'une mèche en crins de cheval. La vièle est jouée exclusivement par des femmes. C'est l'instrument qui domine la vie musicale traditionnelle touarègue et il est considéré comme le symbole d'une de ses valeurs culturelles les plus importantes.

Le répertoire imzad se divise en différents genres où se retrouvent les chants de guerre et les chants de pâturage. Tous les thèmes peuvent être abordés en diverses occasions : la solitude, les réunions intimes, les soirées d'ahal…réunions de jeunes hommes et de jeunes filles assemblés pour se divertir.

La célèbre joueuse d'Imzad : Ajo

L'amour, la guerre, la satire sont des thèmes courants que le public apprécie. Aucun autre instrument n'est jamais associé à l'imzak. Seul le son de la voix, en solo ou en duo, est admis à se mêler à celui de la vièle. En solo, le chant est toujours confié à un homme en duo, il est tantôt mixte, tantôt masculin. En l'absence d'homme, la joueuse de vièle peut elle-même chanter. Grâce à l'imzad, la femme peut exprimer ses peines, ses déboires, ses joies les plus intimes, son amour caché ou avoué. Avec son instrument et ses chants, la musicienne peut implorer ou punir.


Le Tindé

L'instrument tindé ou "la Tindé", est un tambour qui, à l'origine, est un mortier en bois pour piler le mil, recouvert d'une peau de chèvre tendue. Occasionnellement, il sert à rythmer des chants généralement interprétés par des femmes, mais auxquels les hommes peuvent prendre part.



Ce tambour est aujourd'hui concurrencé par le jerrican vide qui, lui, n'exige que peu de préparation. Les musiciennes en tirent des timbres variés avec les mains. Les femmes qui ne chantent pas ponctuent le chant avec des battements de mains auxquels se superposent le tintement de leurs bagues dont le chaton volumineux contient quelques petites graines, végétales sèches et sonne comme un hochet.

Traditionnellement, l'exécution du tindé est plutôt le fait des femmes comme solistes et poétique. Ce sont souvent elles-mêmes qui composent leurs poèmes, parfois en les improvisant sur le vif, ce qu'apprécie particulièrement un public toujours très impressionné.

Voir le site: www.Sporting-m.com

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