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Culture / Histoire / Société

BIJOUX TOUAREGS


Coix de l'Imzad crée par Michel Batlle
à l'occasion du 4éme festival de l'Aïr à Iferouane (2004)


Une des spécificités de l’artisanat Touareg est la fabrication de bijoux en argent qui se perpétue depuis des temps anciens. Jusqu’à il y a une trentaine d’années, ils étaient réalisés avec des pièces de monnaie autrichiennes, les thalers (voir article ).

Les femmes touareg ont une peur superstitieuse de l'or : elles n'en portent jamais. L'argent a donc supplanté l'or dans les traditions touarègues. Les bijoux en argent font partie du patrimoine de chaque famille touarègue. Ils ont une valeur symbolique, mais aussi bien réelle, car ils servent aussi d'économies et de monnaie d'échange.

Chaque bijou est un message qui porte un symbole parfois oublié.
Chaque collier porté par une femme touarègue évoque diverses anecdotes et toute l'histoire d'un peuple, d’une région, d'une ville.

Parfois le pendentif peut représenter le palais du Sultan, les perles qui le constituent les quartiers, dans leurs positions relatives au palais, les triangles désignent les tribus nomades vivant en brousse, les points isolés au centre du pendentif représentent le sultan lui-même et ses ministres. On y trouve aussi imagés divers symboles de l'homme, de la femme, de la grossesse, ainsi que de la naissance.



Les croix du sud:

La croix du sud dite Croix d'Agadez ou d'Iferwan, était autrefois exclusivement portées par les hommes et se la transmettait de père en fils lors de la puberté. Elle faisait allusion à la virilité du jeune homme et à son nomadisme traditionnel. Cette transmission se fait dans la tradition où le père évoque à son fils l'éternelle phrase "Mon fils je te donne les quatre directions du monde, car on ne sait pas où tu iras mourir ".
Il existe 21 croix différentes associées à 21 villes, villages ou tribus du Niger ; la 22eme est la croix du chef de la Rebellion Touarègue Mano Dayak disparu accidentellement. Une 23 eme vient d’être créée très récemment par l’artiste Français Michel Batlle en l’honneur de l’Inzad, cet instrument de musique que seules les femmes Touarègues jouent et qui est le symbole le plus fort de la culture Touaregue. Cette « Croix de l’Inzad » a été présentée et diffusée au Festival 2004.

La croix représente le pommeau de selle du chameau ou encore les quatre directions cardinales.

Source : www.bladi.net

Les bijoux présentés ont été réalisés par les forgerons de l’Association Tenelet dont le but est de défendre et promouvoir l’identité et la culture du Peuple touareg, et de maintenir ces traditions en faisant vivre plusieurs familles par la vente de ses produits artisanaux.
Association Tenelet BP 24 Agadez - Niger



Les Thalers, La monnaie de Marie-Thérèse

Quel touriste n'a pas été surpris et même émerveillé de découvrir au fond d'un soukh de Djeddah ou de Djibouti des pièces d'argent frappées à l'effigie d'une grosse dame à la poitrine généreuse ? Mais saura-t-il déchiffrer l'inscription qui tourne sur le rebord : M. THERESIA. D. G. R. IMP. HU. BO. REG, abréviations pour Marie-Thérèse, impératrice romaine, reine de Hongrie et de Bohême, par la grâce de Dieu. Au revers, les indications sont tout aussi intéressantes : ARCHID. AUST. DUX. BURG. CO. TYR, qui sont les autres titres de la souveraine, à savoir archiduchesse d'Autriche, duchesse de Bourgogne, comtesse du Tyrol. Mais qu'on ne se laisse pas impressionner par le chiffre de 1780 qui clôt cette liste majestueuse. Car il est fort probable que la pièce que l'on a eu en main ait été frappée bien après cette date.

    Comment expliquer qu'il soit si facile encore aujourd'hui de trouver dans les échoppes du fin fond de l'Arabie cette séquelle sonnante et trébuchante du Saint Empire romain germanique ? C'est ce que nous conte Philippe Flandrin dans un livre un peu touffu et désordonné, mais qui mérite d'autant plus d'être lu que s'approche l'instauration de la monnaie unique européenne. En effet, nos eurocrates feraient bien de s'inspirer des leçons monétaires de Marie-Thérèse, dont le thaler a servi de monnaie de référence pendant plusieurs siècles à une bonne partie de l'Europe, en Scandinavie mais aussi dans l'Empire ottoman, au Maghreb, dans la Corne de l'Afrique (un certain Arthur Rimbaud troquait armes et munitions contre thalers), en Inde, et que l'on retrouve jusque dans les coffres des riches négociants de Java et de Bornéo.

    Philippe Flandrin n'est pas économiste. L'histoire passionnante qu'il rétablit est surtout politique, et sans doute aurait-il gagné à étudier d'un peu plus près les mécanismes monétaires qu'il s'aventure à évoquer. Mais au moins notre auteur n'a-t-il pas le cerveau encombré des pseudo-théories à la mode et nous livre-t-il ainsi des faits bruts sans a priori idéologique.

    Quand Marie-Thérèse, en 1750, se décide à frapper une nouvelle pièce d'argent à son effigie, elle cherche en fait à renouer avec le succès du Reichsthaler que Ferdinand Ier de Habsbourg avait réussi à imposer en 1559 à l'ensemble de l'Europe centrale après l'abdication de Charles Quint, son frère. La matière première était fournie par les monts métallifères de Bohême, matière qu'il suffisait de frapper à bon escient.

    Dans un premier temps, le Maria Theresien Thaler (MTT) est interdit à l'exportation. Mais la règle est évidemment tournée par la contrebande et, très vite, le gouvernement autrichien s'est convaincu qu'il économiserait beaucoup d'argent en s'abstenant de poursuivre les passeurs et qu'il en gagnerait beaucoup en organisant lui-même l'exportation de sa propre monnaie. Du coup, le MTT partit aisément à la conquête du monde. En moins de trente ans, 24 millions de pièces furent écoulées sur les deux continents, éliminant impitoyablement leurs rivales. C'est que le MTT était une véritable monnaie-marchandise, frappée non selon les caprices d'une autorité monétaire, mais uniquement à la demande de ceux qui apportaient leur lingot d'argent pour le faire monnayer. Il n'était pas question, évidemment, de modifier d'un milligramme sa teneur en argent, sauf à ruiner immédiatement sa réputation. Quant aux pays qui l'utilisaient, ils se passaient fort bien et de banque centrale et de monnaie nationale.

    La forme même de l'effigie devint intangible. Pour son veuvage en 1765, l'impératrice voulut apparaître la poitrine couverte d'un manteau de deuil. Mais, selon notre auteur, les Levantins, « unanimes », exigeaient le rétablissement de l'ancien décolleté, faute de quoi ils opteraient pour les thalers prussiens ou les réaux espagnols. Ils finirent par obtenir gain de cause !

    Qu'allait-on faire à la mort de Marie-Thérèse, en 1780 ? Comment continuer un commerce si lucratif, fondé sur un type particulier et méconnu d'exportation, l'exportation monétaire ? La solution était toute simple : continuer à fabriquer des MTT avec la date de 1780 invariablement refrappée. Trois ans après le décès de la souveraine, la machine à monnaie tournait de nouveau à plein rendement.

    Le plus étrange était encore à venir. En 1934, Mussolini masse des troupes sur le Brenner, faisant reculer Hitler déjà prêt à mettre la main sur l'Autriche. Un an plus tard, le Duce vient réclamer à Vienne son salaire : que l'Autriche transfère à l'Italie son monopole de la frappe de MTT pendant vingt-cinq ans. Ainsi les précieux coins autrichiens furent-ils transportés à Rome, qui put à son tour monnayer le fameux thaler. Furieuses, l'Angleterre, la France, la Belgique et la Hollande se mirent à fabriquer des MTT, se livrant ainsi à un véritable « faux-monnayage », pas toujours adroit. Tantôt il manquait une perle au collier de l'impératrice, tantôt une plume à la queue de l'aigle impériale du revers, ce que les marchands vérifiaient immédiatement du bout des doigts...

    Pacta sunt servanda. Même avec un Etat fasciste, même après sa défaite. Ce n'est donc qu'en 1960 que l'Autriche retrouva le monopole de la frappe du MTT. Dès 1961, plus de deux millions de pièces sortirent des presses de la Monnaie de Vienne, ouvrant une nouvelle carrière à l'impérissable Maria Theresien Thaler...

PHILIPPE SIMONNOT « Le Monde »


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