Le développement
durable, une chance pour les femmes et la culture touarègues
du Niger
Dans le cadre des Universités Européennes d'Eté 2003,
l'ENSAM, l'Université de Technologie de Troyes, La Conférence
des Directeurs des Ecoles et Formations d'Ingénieurs,la
Ville de Chalons, la Ville de Troyes, la Région Champagne-Ardennes,
organisent leur Université européenne d'été 2003 à Chalons-en-Champagne,
du 7 au 17 juillet 2003 sur le thème "Technologie et
Développement Durable en Europe".
Issyad ag Kato, président de l'OVD-TEDHILT (Agadez - Tamazgha
du Sud) est invité à y intervenir sur le thème
de développement durable et les femmes touarègues.
Ci-dessous le texte de son intervention qui a eu lieu le 15 juillet
2003.
L'évolution des sociétés humaines pour s'adapter à leur
temps a toujours été un sujet de préoccupation
pour les hommes, tant elle implique des défis de survie.
La femme en tant qu'élément central et délicat
de la société humaine est souvent au cœur de
cette problématique. Cela devient plus poignant quand nous
sommes en présence d'une société matriarcale
comme celle des touaregs.
Le développement durable, est une chance pour les femmes
et pour la culture Touarègue du Niger, la femme touarègue
est confrontée presque chaque jour aux problèmes
poignants induits par la mondialisation, par la précarité des
conditions de vie et par les mutations socioculturelles que l'une
et l'autre lui imposent. L'objectif étant de bien situer
son rôle dans la chaîne du développement durable,
surtout dans les domaines de la scolarisation et de l'éducation
de la jeune fille, la protection de l'environnement, l'hygiène
et l'assainissement, la santé et l'alimentation, l'alphabétisation,
la sensibilisation sur les MST et le VIH SIDA.
Pour une compréhension objective et rationnelle du thème
après un bref historique de l'évolution du statut
de la femme touarègue, il nous semble important d'analyser
et de discuter avec vous les points suivants :
- Les atouts culturels de la femme touarègue
et les changements survenus ;
- la femme touarègue face aux nouveaux défis de la
vie urbaine ;
- femme touarègue et développement durable.
1. LA FEMME, EST LA MATRICE HISTORIQUE DE LA CULTURE TOUAREG
Le statut de la femme a, depuis un certain temps constitué un
sujet de préoccupations dans le monde, au point qu'une journée
internationale lui a été consacrée. Cela se
justifie par la place qu'elle occupe dans la société et
surtout par le rôle qui est le sien dans le cadre de l'épanouissement
de la cellule familiale et de toute la société. Ce
statut fait apparaître des spécificités socioculturelles
importantes liées aux modes de vie des communautés, à leurs
cadres naturels de vie et de certaines contingences exogènes.
Son évolution part toujours d'un héritage historique
propre à chaque communauté.
Comme nous le disions brièvement en introduction, chez les
touareg la charpente de la société est structurée
autour de la femme. Elle est la matrice de notre culture. C'est
de la lignée maternelle que se transmettent les pouvoirs
aristocratiques. Dans l'institution maritale, elle joue le rôle
central depuis le mariage, jusqu'à l'éducation des
enfants en passant par la gestion du foyer. La femme touarègue
a droit à la propriété. Tout ce qui matérialise
la cellule familiale lui appartient en commençant par la
tente et son contenu. En cas de séparation, l'homme n'a
droit qu'à son apparat au sens strict du terme. C'est lui
qui part du foyer et le laisse intact. Sans exagérer, l'homme
touareg est perçu ici comme simple géniteur et pourvoyeur
des moyens matériels de subsistance. Il affronte les dangers
de part sa constitution physique et son penchant naturel et les
acquis de sa féroce lutte contre la nature sont confiés à l'intelligence
subtile de la femme pour les gérer et les préserver
de la déperdition.
L'apogée de l'histoire africaine des touareg a été faite
par des reines telles KAHINNA et TIN HINANE princesses AMAZIGH
qui se sont imposées plusieurs siècles avant l'Islam
des rives méditerranéennes aux confins sud du Sahara
.
Avec elles, le matriarcat qui leur donne droit à tout
le pouvoir et à toute prise de décision s'est imposé davantage à la
société touarègue. Le résultat de cette
prépondérance matriarcale et de cet engagement subtilement
féminin, a consacré définitivement le droit
du fils de la sœur de l'AMENOKAAL à prendre la relève
du pouvoir aristocratique. Comme cela on est sûr de préserver
l'héritage génétique matriciel. La femme touarègue
est aussi le châssis sur lequel repose toute la vie économique
et l'avenir de la communauté. Elle propose les alternatives,
gère et encadre le campement à l'absence de l'homme
et participe à toutes les décisions même en
sa présence.
2. LES ATOUTS CULTURELS DE LA FEMME TOUARÈGUE ET
LES CHANGEMENTS SURVENUS
Comme nous le voyons donc, depuis la nuit des temps, la femme touarègue
jouit d'une certaine notoriété. En effet, plus que
partout ailleurs, elle a pu exercer jusqu'au pouvoir suprême.
Les cas de Kahina et de Tin - Hinan sont suffisants pour le prouver.
Des siècles durant, la société touarègue
fut matriarcale. N'accédait au pouvoir que le neveu utérin
du précédent Chef. Ceci reste valable dans toutes
les confédérations touarègues, à quelques
exceptions près. L'avis de la femme a toujours été sollicité et
pris en compte dans les grandes décisions qui ont donné un
sens et un contenu à la vie de notre société.
Bien longtemps avant la conférence de Beïjing, la femme
touarègue a eu accès à la propriété, à la
liberté d'être, d'expression, de choisir son partenaire
et d'être à l'abri des sévices corporels. Pour
préserver ce fondement culturel de notre société,
un code de conduite dénommé "Asshak" a été institué et
imposé aux hommes. Dans cette démarche éthique
morale, l'homme doit gérer son avantage physique afin de
ne pas en abuser sur la femme et les faibles de la société.
Cette règle garantie la totalité des droits de la
femme et fait d'elle le facteur anoblissant l'homme. L'homme qui
déroge à cette règle n'est plus noble et est
déchu de ses droits. Il est banni. Ce sont les femmes qui
prononcent cette exclusion. Quel est l'homme touareg qui risquerait
de ne plus être chanté par ces belles voies, dans
les grâces desquelles il faudrait toujours être, même
s'il faut se surpasser ? Aujourd'hui encore, le plus grand sacrilège
dans la société touarègue est de porter la
main sur une femme et les insultes à son égard sont
reprouvées. Aucune atteinte à son intégrité physique,
morale et spirituelle n'est tolérable. Pour cela et pour
une question de pudeur, et certainement plus par respect de la
femme, la question de la virginité de la jeune mariée
au moment de la consommation du mariage est couverte par un silence
explicitement approuvé.
Le jugement de la femme est redouté. Elle est régulatrice
du comportement dans la société. Pour ce faire, l'homme
a intérêt à apparaître à ses yeux
courageux, généreux et infaillible. A cet effet d'ailleurs,
devant une situation difficile quelconque, que ce soit sur le champ
de bataille ou dans la vie de tous les jours, le jeune touareg
ne pensera jamais aux conséquences de son comportement sur
sa propre personne, mais plutôt ce que diront les jeunes
filles au campement.
Avant de rejoindre son mari, l'épouse touarègue a
toujours disposé d'une tente, de meubles et d'animaux de
traite selon les capacité de ses parents. Elle rejoint son
mari avec un capital qu'il doit préserver voire fructifier
en accord avec celle-ci. Il convient de préciser que dans
le mariage, c'est le régime de la séparation des
biens qui prévaut. Aucun mari ne peut disposer des biens
matériels de son épouse sans son consentement.
La femme touarègue choisit son mari, ou alors la famille
le choisit avec son accord. Sa préférence est prépondérante
même si elle doit obéir elle aussi à des critères
qui préservent la dignité et l'honneur de la famille,
de la tribu ou de la fédération. Sa dot est toujours équivalente à celle
qui a été donnée à sa mère et
quelque soit le nombre de mariages, elle a droit à la même
dot. Contrairement aux autres femmes nigériennes, sa dot
ne se déprécie jamais.
Dépositaire de la tradition, la femme touarègue a
en charge entre autres, de transmettre la langue et l'écriture
touarègue "Tifinagh" aux générations
montantes. Ainsi, la femme touarègue s'occupe de l'éducation
des enfants, de la jeune fille en particulier, des travaux domestiques
et de la surveillance des animaux.
Bien que musulmane depuis longtemps, la femme touarègue
méprise royalement la polygamie. Elle met à profit
le statut que lui confère la société pour
imposer la monogamie. Pour elle, si l'Islam tolère jusqu'à quatre
(4) épouses, il ne contraint par contre aucun mari à être
polygame.
D'autre part, la femme touarègue est si adulée que
la poésie lui est essentiellement dédiée.
Elle y est décrétée comme un être chérissable,
angélique, mystérieux, énigmatique à conquérir.
Consciente de son importance et du mythe qui l'entoure, elle a
su exploiter en sa faveur les réalités socioculturelles
et historiques de son milieu. Elle est par ce fait, en position
de force pour exiger et obtenir ce qu'elle veut. Cela est d'autant
plus facile car elle dispose d'une certaine autonomie sur le plan économique
que lui confère la droit à la propriété.
Cette domination des femmes est souvent source de conflits dans
les couples où elle est mal gérée. Cela explique
la courbe élevée des divorces chez les touareg. En
effet comme on peut facilement le comprendre, face à l'esprit
prédateur des hommes, les femmes opposent une résistance
farouche afin de défendre des acquis millénaires.
Cette rude bataille n'est pas gagnée d'avance et nos sœurs
perdent du terrain non pas face aux hommes, mais face à la
roue de l'histoire. Le résultat se traduit par des mutations
intervenues dans notre environnement social où la femme
touarègue est entrain de perdre son "pouvoir".
En effet, son rôle dans la société est entamée
par plusieurs facteurs endogènes et exogènes. Sur
le plan éducatif, l'école et la rue s'occupent désormais
de l'éducation des enfants. L'écriture "Tifinagh" a été supplantée
par d'autres que des vagues de colonisations nous ont imposées.
Des comportements contraires au code et à l'éthique "Asshak" deviennent
quotidiens et la polygamie commence à rentrer dans les mœurs
du fait de l'islam et de l'urbanisation.
Sur la plan économique, la tendance à la sédentarisation
qui se dessine chaque jour davantage, lui "ôte" le
privilège de la propriété de l'habitat. Les
sécheresses successives ont détruit les troupeaux
qui constituent son capital économique.
Mais la situation "sombre" que commence à vivre
la femme touarègue ne doit pas lui faire oublier sa place
dans la société. Elle doit s'adapter au nouveau contexte
socioéconomique et continuer à être la gardienne
et la dépositaire de la tradition. A cet effet, elle doit
prendre conscience de son nouveau rôle qu'elle pourrait mieux
jouer en se scolarisant davantage tout en gardant sa personnalité culturelle
qui fait d'elle un symbole, une référence. Son héritage
culturel énorme peut bien s'accommoder de toute adaptation.
Ainsi elle pourrait mieux que par le passé participer au
développement de la société avec des méthodes
modernes et novatrices, à travers les associations et O.N.G.
Cela lui permettrait aussi de mieux s'impliquer dans le combat
politique, chose déjà incrustée dans sa culture
et son comportement.
3. LA FEMME TOUARÈGUE FACE AUX NOUVEAUX DEFIS DE
LA VIE URBAINE
Les nouveaux défis de la vie urbaine et du développement
durable qu'elle implique pour la société touarègue
sont de deux ordres : l'évolution du mode de vie nomade
vers un mode de vie sédentaire et l'influence du modernisme
sur la culture traditionnelle.
L'évolution du nomadisme : l'urbanisation
Les cataclysmes naturels tels que les sécheresses et les
conséquences qu'ils entraînent, ont eu un effet dévastateur
sur les modes de vie des touareg. Cela implique naturellement des
réadaptations qui ont modifié la structure sociale
et les rôles assignés à chacun. A ces phénomènes
naturels ce sont ajoutés d'autres à l'échelle
humaine comme les conquêtes coloniales ou culturelles. L'effet
conjugué de ces phénomènes, a profondément
modifié la charpente social, économique et politique
des touareg.
Les parcours traditionnels ont été modifiés.
Les modes opératoires de régulation de la société en
son sein ont changé, ainsi que les rapports des touareg
avec leur environnement physique.
Une société ainsi aux abois, perd ses repères.
Les hommes vaincus par l'adversité naturelle et humaine
ne peuvent plus sauvegarder des pans entiers de notre culture.
Plus rien ne met la femme touarègue à l'abri de mutations
volontaires ou involontaires. Seule sa force intrinsèque
va la protéger.
Les touareg appauvris, déstabilisés et désorganisés
se rabattent sur les centres urbains tout en gardant des attaches
avec leurs terroirs. Ici commence une vie écartelée
dont les rênes vont leur échappées. Ce sont
les migrations forcées vers les villes. Pendant ces migrations,
nous étions obligés de piétiner notre fierté par
nécessité. Les femmes sont certainement celles qui
vont payer le tribut le plus fort.
Les migrations de la sécheresse sont des migrations de la
faim et de la misère. Elle peuvent entraîner le départ
de tout le groupe à la recherche d'un milieu plus accueillant.
Les troupeaux décimés ou morts sont revendus à vil
prix (20.000 F la vache à contre 150.000 F en temps normal).
Femmes et hommes affrontent ensemble la détresse, l'oisiveté forcée,
la désespérance de reconstituer un jour le troupeau
et de reprendre l'ancienne vie.
Les migrations de travail plus anciennes voire traditionnelles,
qui poussent seulement les hommes vers les villes pour l'approvisionnement
ont modifiées dans leur cycle par la désertification.
Ces migrations représentent une hémorragie drastique
pour la société avec de lourdes incidences sur l'équilibre
socioéconomique.
L'influence du modernisme sur la culture traditionnelle : la débauche
forcée
Si le sort des "exodants" n'est guère enviable,
celui de la femme restée seule au village ou campement l'est
encore moins. Dans le pire des cas, la femme peut se retrouver
seule et chargée de l'entretien de la famille dans les camps
vidés par les hommes partis pour une quête incertaine.
L'absence du mari est une augmentation de la dépendance
morale, financière et des responsabilités. La femme
se sent abandonnée seule face à la misère, à la
désespérance, à la maladie ou à la
mort, à la tristesse, à l'incertitude, à l'angoisse
etc.
La survie grâce à l'aide alimentaire, à la
mendicité, à la prostitution, sont le lot quotidien
de la femme touareg sevrée de tout soutien économique
et culturel. Voilà le tableau sombre de l'urbanisation forcée
que nous avons subie et le premier contact que nous avons eu avec
la modernité. L'exode massif vers les villes a eu des conséquences
désastreuses sur les destins individuels et collectifs.
Il a entraîné de profondes perturbations sociales
qui laisseront de traces indélébiles à la
femme. Ces mutations profondes qui touchent toutes les sociétés
traditionnelles obligeront à des reconversions difficiles
et douloureuses. Ces mutations affectent le tissu social. Les générations
de la sécheresse de 1968 et 1988 en est une parfaite illustration
de générations sacrifiées. Elles ne sont plus
porteuses des attributs essentiels de notre culture.
Cette marche forcée vers la modernité, si elle n'est
pas maîtrisée entraînera la disparition d'une
civilisation universelle. La seule façon de stopper cette
descente aux enfers, est de conférer un minimum de pouvoir
politique aux touaregs et une certaine liberté d'initiative
des populations locales . Ce pouvoir politique leur permettra de
décider de l'orientation à donner à leur vie
dans un cadre national. La femme y retrouvera assurément
ses marques, car le nouveau système que nous mettons en
place prendra racine dans notre fondement culturel, l'autonomie
locale. L'espoir donc réside dans le processus de décentralisation
en cours d'application, notamment dans la communalisation, la régionalisation
et dans la coopération décentralisée.
Quelques conséquences de l'urbanisation forcée et
du changement du mode de vie
Du fait de l'exode des hommes, le ratio homme/femme a été bouleversé.
En brousse il y a plus de femmes que d'hommes. Il en est résulté une
grave perturbation des codes et principes directeurs . Les conséquences
de ces déstabilisations diffèrent profondément
d'un milieu ou d'une ethnie à l'autre. Cette diversité traduit
le désarroi dans lequel ces situations sans précédent
ont plongé une société qui tente de répondre
au coup sur coup. Les règles du mariage ont changé.
La perte des troupeaux, les récoltes nulles ou insuffisantes,
la raréfaction des produits de cueillettes, l'exode massif
ont entraîné la misère des populations nomades
et détruit les circuits traditionnels du commerce et d'échange.
La sédentarisation forcée conduit la femme touarègue à s'installer
dans un milieu où elle est souvent démunie de tout
moyen de subsistance autonome favorisant son appauvrissement. Si
les biens familiaux ont été vendus pour assurer la
survie du groupe, la femme a été aussi dépouillée
de ses biens propres : bétail et bijoux.
La perte de bétails s'accompagne de la perte de revenu propre
et de sécurité matérielle en cas de divorce,
plus d'épargne sur pied en cas de besoin d'argent, plus
de viande pour les fêtes ou obligations sociales, plus de
lait pour les enfants ou pour la vente.
Poussée par la nécessité la femme a dû se
soumettre à faire des travaux auxquels elle ne participe
jamais auparavant. Le rôle socioculturel de la femme s'est
trouvé lui aussi par conséquent appauvri. Sa fonction
d'éducatrice, de conseillère, de formatrice est grevée
par l'accomplissement des tâches quotidiennes. La transmission
du savoir à leurs enfants, à leurs filles en particulier,
ne peut se faire comme avant.
Face à ces conséquences, la société a
développé par instinct de survie de nouvelles méthodes
d'approche de son développement. En attendant que ce processus
soit pris en compte dans un cadre formel, la femme touarègue
ayant pris conscience de la déperdition culturelle et sociale
consécutive aux phénomènes détaillés
en haut, essaie de s'en sortir. Une nouvelle vague d'espoir voit
le jour et encore une fois, ce sont les femmes qui en sont porteuses.
Comme par le passé, elles puiseront dans leur courage l'énergie
nécessaire pour sauver la société en péril.
4. FEMME TOUARÈGUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
:
La femme touarègue s'étant adaptée au nouveau
contexte, elle inscrit désormais ses actes et comportements
dans la pérennité. Consciente non seulement des enjeux
de la mondialisation, mais aussi de la précarité des
conditions de vie en milieu nomade, elle opte pour des actions
de développement durable dans tous les domaines de la vie.
La durabilité du développement suppose, le respect
de la culture locale, la protection et la valorisation au service
des populations autochtones de leurs ressources naturelles et de
leur patrimoine culturel, l'autonomie locale dans le domaine de
la santé, des écoles, de l'alimentation et enfin
l'équité entre tous.
Le rôle d'éducatrice d'antan de la femme se retrouve
renforcée aujourd'hui dans l'incitation des jeunes à la
scolarisation. Les thématiques autour desquelles elle joue
un rôle central sont : la scolarisation de la jeune fille,
l'hygiène et l'assainissement, l'alimentation, l'alphabétisation,
la protection des ressources naturelles la sensibilisation sur
les MST et le Sida en particulier. Ces activités éducatives
et formatrice se déroulent dans des cadres structurés
et organisés telles que les ONG, les associations de développement
ou même des droits de l'homme.
Dans le domaine économique, la femme touarègue, en
plus de son capital bétail quelque peu reconstitué,
s'est investie dans des activités valorisant les ressources
locales et les arts culturaux génératrices de revenus
et de nouveaux liens. C'est le cas de l'artisanat jadis objet de
loisir, aujourd'hui exercé à temps plein. Cet artisanat
a atteint un tel développement qu'il est en ce moment très
prisé par la communauté nationale et internationale
et il fait office de "carte de visite" du Niger. L'artisane
touarègue est spécialisée dans tous les métiers
du cuir et autres matières. Elle est réputée
dans la confection des objets meublant la tente, des parures d'apparat
des chameliers.
Les femmes touarègues sont également douées
en matières de médecine traditionnelle et sont détentrices
de savoir et savoir faire dans le domaine de la prescription ou
de la préparation de médicaments traditionnels. A
l'heure actuelle, cette forme de médecine traditionnelle
est le premier niveau de recours dans nos campements et suscite
intérêt et espoir des scientifiques pour certaines
recettes avérées efficaces.
Sans nous étendre davantage sur l'implication de la femme
touarègue dans les domaines social, culturel et économique,
nous soulignerons un aspect encourageant dans le statut de la femme
touarègue, celui de son combat politique. A la faveur du
vent de la démocratie qui a soufflé sur nos pays
dans la décennie 90, la femme touarègue soucieuse
de préserver son rôle séculaire dans la gestion
des affaires du campement, s'est investie dans la lutte politique.
Aujourd'hui, elle participe activement dans l'animation et la coordination
des activités politiques au sein de partis politiques ou
des organisations de la société civile. Ces prédispositions
et son degré d'engagement au sein des différentes
structures la préparent tout naturellement à briguer
des postes pour des mandats électifs.
La femme touarègue mérite spécialement hommage
et honneur car elle a maintenu en haleine tous les mouvements touarègs
de l'ouest africain en particulier au Niger et au Mali, dans leur
lutte armée contre la répression et l'injustice des
gouvernements. Elle est le symbole de la fierté touarègue
et malgré que son statut au sein de la société soit
aujourd'hui érodé par des facteurs tant endogènes
qu'exogènes, la femme touarègue, à y regarder
de près, s'est habilement adaptée à l'évolution
de la société dans laquelle elle vit.
CONCLUSION
La prise en compte de ces variables chez la femme touarègue
commence à susciter des réactions positives et constructives.
La femme touarègue a un potentiel qu'il faudrait apprendre à exploiter
au profit de la société et de la communauté berbère
répartie dans plusieurs pays. Elle sait ce qui se passe,
elle veut savoir ce qu'il faut faire face à un monde en
pleine mutation. Elle s'affirme encore comme partenaire et actrice
de développement à part entière.
La femme touarègue pourrait être le fer de lance de
ce combat de longue haleine dans tous les domaines si on prenait
en compte la spécificité de la dynamique féminine
: elle est lucide, présente, résolue, engagée
et combattante.
Issyad Ag Kato
Président de l'Organisation Vie et Développement-TEDHILT
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