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Culture / Histoire / Société

L'excision

 rituel d'excision

L’excision ou les mutilations génitales féminines (MGF) est le nom générique donné à différentes pratiques traditionnelles qui entraînent l’ablation d’organes génitaux féminins. Bien que plusieurs justifications soient données pour le maintien de cette pratique, elle semble liée essentiellement au désir d’assujettir les femmes et de contrôler leur sexualité. En effet  les hommes historiquement en sont les initiateurs, et ce sous le prétexte de préserver la fidélité des femmes.

On estime à 130 millions le nombre de fillettes et de femmes, à travers le monde, qui ont subi une MGF (Mutilation Génitale Féminine) et qu’au moins 2 millions de fillettes par an risquent de subir la procédure sous une forme ou une autre. Actuellement, les MGF sont pratiquées dans 28 pays africains de la région sub-saharienne ainsi que dans la partie nord-est de l’Afrique. Des rapports indiquent également la pratique sporadique des MGF dans certains pays du Moyen-Orient et dans quelques groupes ethniques de l’Inde et du Sri Lanka. Des communautés immigrées originaires de pays où les MGF ont cours, se livrent également à cette pratique. Mais les interventions varient selon des facteurs tels que l’appartenance à un groupe ethnique et à une région géographique, l’OMS a regroupé les MGF en trois catégories :
Les types de mutilations sexuelles des fillettes :
On distingue 3 formes principales de mutilations sexuelles :
1) la plus courante est l'excision ou clitoridectomie. Elle consiste en l'ablation partielle ou intégrale du clitoris et des petites lèvres.
2) la forme la plus grave est l'infibulation, encore appelée "excision pharaonique". Lors de cette opération on procède tout d'abord à l'ablation du clitoris et des petites et grandes lèvres. La vulve est ensuite suturée à l'aide de catgut, de fils de soie ou d'épines. Seul un orifice étroit est ménagé pour l'évacuation de l'urine et l'écoulement du flux menstruel.
3) La sunna est la forme la moins "grave". Elle est souvent appelée aussi "excision symbolique". Elle consiste à couper la membrane du clitoris, ou à inciser le clitoris, ou bien encore à en couper le capuchon.

Les conséquences de l'excision pour les fillettes :
La plupart des fillettes excisées sont marquées à vie dans leur chair et dans leur esprit. Nombreuses sont les victimes qui ne savent pas que leurs problèmes physiques et psychiques sont directement liés à l'excision. Elles ne peuvent oublier le traumatisme et la douleur. Beaucoup de petites filles décèdent des suites du choc, de la douleur insoutenable ou d'une hémorragie.
Nombre d'entre elles souffrent toute leur vie de douleurs chroniques, d'infections internes, de stérilité ou de dysfonctionnements rénaux. Chez les femmes ayant subi une infibulation, l'évacuation de l'urine et l'écoulement du flux menstruel ne se font que difficilement. Lors des accouchements, l'excision est à l'origine de graves complications, qui coûtent fréquemment la vie à la mère ou à l'enfant. Les rapports sexuels sont pour beaucoup de femmes - pour les hommes aussi d'ailleurs - une véritable torture.

L'excision féminine, une tradition rituelle profondément ancrée dans les mœurs
La mutilation de l'appareil génital féminin est un rite millénaire. On ignore cependant où et pourquoi il s'est développé. L'excision représente actuellement pour les fillettes, avec le mariage, la cérémonie la plus importante de leur vie : ce n'est qu'après s'être soumises au rite de l'excision qu'elles deviennent de jeunes femmes et qu'elles sont pleinement acceptées et reconnues dans la communauté. L'excision est un sujet tabou et les petites filles ne savent pas exactement ce qui les attend. On leur fait miroiter une grande fête et beaucoup de cadeaux - la plupart ne se doutent pas des souffrances atroces qu'elles vont endurer. L'excision fait partie de la vie de beaucoup de communautés africaines, comme chez nous la communion ou la confirmation. Beaucoup de petites filles attendent avec impatience le jour de leur excision et sont par la suite très fières d'appartenir enfin à la communauté. Les raisons de l'excision diffèrent d'une région et d'une ethnie à l'autre. Beaucoup pensent à tort que l'Islam prescrit l'excision. Les femmes non excisées sont considérées comme impures et incapables de maîtriser leurs pulsions sexuelles. D'autres ethnies croient que le clitoris peut empoisonner l'homme ou l'enfant à la naissance. D'autres encore croient que le clitoris est un organe masculin qu'il convient de couper afin que la fillette devienne une femme à part entière. Les hommes refusent d'épouser des femmes non excisées. Beaucoup d'entre eux croient que les femmes non excisées sont toujours adultères, que le clitoris retient le pénis prisonnier lors d'un rapport sexuel et que la pénétration est impossible chez les femmes non excisées.
L'excision est un sujet tabou, quiconque en parle se couvre de honte et jette l'opprobre sur toute sa famille. C'est pourquoi cette tradition n'est que rarement remise en question. La pression sociale et le risque de se faire exclure par la communauté sont tels qu'il est quasiment impossible pour les femmes de se rebeller contre les traditions. Durant toute leur vie, les femmes sont conditionnées pour servir la communauté et réprimer leurs envies

L'excision en Europe - un sujet délicat

Ce problème "africain", apparemment lointain, est devenu, avec l'immigration, une réalité en Europe : aujourd'hui à Paris, Rome, Stockholm, Amsterdam, Manchester Londres ou Berlin, l'excision est pratiquée illégalement. Et pas seulement dans la pénombre de chambres miteuses, mais aussi dans des cabinets de médecins. Par peur de sanctions, beaucoup de familles préfèrent faire exciser leurs petites filles pendant les vacances scolaires dans leur pays africain d'origine. Dans beaucoup de pays occidentaux, l'excision est punie par la loi - du moins sur le papier. De plus en plus de femmes africaines et occidentales se mobilisent dans ces pays pour lutter contre ce rite sanglant et faire en sorte qu'en Europe au moins, les fillettes y échappent.

La situation en France
On estime qu'au moins 30 000 femmes et fillettes excisées vivent actuellement en France. Différentes organisations avancent le chiffre de 10 000 à 20 000 petites filles originaires d'Afrique, exposées au risque d'excision.
La France est le seul pays d'Europe où l'excision a déjà donné lieu à plus de 20 procès. En raison du nombre élevé d'immigrants africains, l'excision est en France, depuis plus de 20 ans, un sujet épineux et toujours d'actualité. En 1982, la petite Bobo, âgée de 3 mois, décède des suites d'une hémorragie - l'opinion publique en France s'en émeut vivement. En 1983, une Française d'origine africaine est condamnée à une peine avec sursis pour avoir fait exciser sa petite fille - depuis lors l'excision est considérée comme une mutilation et la peine encourue peut aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement.
En 1991, l'exciseuse Aramata Keita est condamnée en France à une peine de 5 ans d'emprisonnement - c'est la première condamnation à une peine de prison ferme. En 1993, des parents ayant fait exciser leurs fillettes sont condamnés pour la première fois à une peine d'emprisonnement.

Les exciseuses nigériennes hors-la-loi
Projet de loi
mercredi 23 mai 2001, par Olivia Marsaud
Le gouvernement nigérien va sanctionner les personnes reconnues d’avoir opéré des mutilations sexuelles génitales. Peines de prison et amendes sont prévues pour les exciseuses qui ne veulent pas déposer leurs couteaux. Une avancée énorme dans un pays où l’excision est taboue.

Les mutilations génitales féminines (GMF) sont pratiquées dans 28 pays du monde, sous une ou plusieurs formes, principalement en Afrique mais aussi au Sultanat d’Oman, au Yémen et aux Emirats arabes unis. Des délégués de 28 pays africains, arabes et méditerranéens se sont donnés rendez-vous au Caire, du 21 au 23 juin, pour une consultation d’experts afro-arabes. Le thème de cette rencontre internationale : " Normes législatives pour la prévention des mutilations génitales féminines ". En d’autres termes : faire en sorte que des lois régissent dans chaque pays la pratique de l’excision dont les conséquences physiques et sanitaires peuvent être très graves.
Le nombre de femmes et de petites filles mutilées tourne autour des 130 millions, principalement en Afrique et dans le monde arabe, et chaque année, environ 2 millions de fillettes et de jeunes filles sont exposées au risque de mutilation. " Nous sommes déterminées à nous battre contre ce problème et à assurer un avenir meilleur à nos filles ", a déclaré Suzanne Moubarak, première dame d’Egypte, à l’ouverture de la conférence. " L’excision a un impact très négatif sur la santé psychologique et physique des fillettes. Nous devons adopter une législation claire et précise qui permette de combattre ce mal. Ce sera un premier pas même si les lois ne mettront pas un terme définitif à cette pratique. "

Tradition obsolète
De fait, les législations nationales, notamment dans les pays africains, n’en sont pas toutes au même stade en ce qui concerne la lutte contre l’excision. Ainsi, le Mali espère que sa présence au Caire fera avancer les choses. Comme l’explique Yacouba Maïga, chargé de programme à l’Association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles (Amsopt) : " Cette réunion du Caire est très importante. Elle doit permettre une uniformisation des législations dans les pays. Notre directrice, Kadidja Sidibé, participe au débat et nous avons tenu également à ce que le Mali soit représenté politiquement par le député maître Demba Traoré. Nous espérons ainsi accélérer l’adoption par l’Assemblée nationale malienne d’un projet de loi sanctionnant l’excision ".
La rencontre, initiée par le Conseil national pour la femme et l’enfant basé dans la capitale égyptienne suscite donc bien des espoirs. Pour Mouchira Khattab, sa secrétaire-générale : " L’excision est une tradition obsolète, qui n’est pas requise par la religion. Notre challenge est de stopper ce transfert de pratique à la prochaine génération ". Heureuse que ce sujet, longtemps tabou en Egypte, soit débattu publiquement, elle affirme : " Le mur du silence vient de tomber. Le débat national sur les mutilations génitales féminines vient de commencer. "
Pour plus de renseignements sur les mutilations génitales féminines, visiter le site du Gams, Groupe femmes pour l’abolition des mutilations sexuelles.

Excision : l’exemple burkinabè
L’exemple burkinabè
Dossier Excision , Un article de Afrik.com

mardi 7 mai 2002, par Géraldine Lautour
Le Burkina Faso fait figure de précurseur en Afrique dans la lutte contre l’excision. Loi contre l’excision, comités de lutte dans tout le pays et numéro d’urgence, le pays ne lésine pas sur les moyens. Félicité Bassolé, à la pointe de ce combat, fait le point sur la situation. Interview.

Afrik : Quelles sont les réalités de l’excision au Burkina Faso ?
Mme Félicité Bassolé : Au Burkina Faso, l’excision se déroule en dehors de tout contexte médical. Elle est pratiquée sur des fillettes âgées en général de 0 à 7 ans, à l’aide de lames de rasoir ou de couteaux artisanaux très sommairement aseptisés. Les risques d’infection sont donc très importants. D’autant plus qu’aujourd’hui, pour éviter les plaintes, les exciseuses opèrent des enfants de plus en plus petits, presque des bébés. En ce qui concerne les types d’excision constatés, la grande majorité des filles, autour de 80%, subit une simple ablation du clitoris. Et lorsque parfois les lèvres internes sont enlevées en même temps, c’est la plupart du temps lié à la maladresse des exciseuses. Quant à l’infibulation, elle n’existe pas au Burkina Faso.

Afrik : Quelles sont les raisons les plus souvent avancées pour justifier ces pratiques ?
Félicité Bassolé : L’enquête que nous avons effectuée fait apparaître trois motifs principaux. Les deux arguments les plus fréquemment donnés sont la préservation de la virginité ou de l’hygiène des filles. Mais on fait également valoir des raisons religieuses : si une fille n’est pas excisée, elle ne peut faire ses prières. Il existe enfin des justifications d’ordre économique, puisque, dans certaines ethnies, une fille excisée obtient une dot plus élevée. Mais cela reste très minoritaire.

Afrik : Est-il possible d’évaluer le nombre d’excisions pratiquées dans le pays ?
Félicité Bassolé : Nous ne disposons pas d’un chiffre global sur l’ensemble du pays. En revanche, une étude a récemment été menée dans une classe de primaire qui a révélé qu’une fille sur trois était excisée.

Afrik : Quelles peuvent être les conséquences médicales de l’excision ?
Félicité Bassolé : Il y a évidemment des risques d’hémorragie des fillettes au moment de l’opération car elle touche à des zones très innervées. Ce qui peut provoquer une perte de connaissance ou un décès. Mais les autres conséquences sont ressenties bien plus tard. L’excision rétrécit l’ouverture du vagin et réduit l’élasticité des tissus. Cela entraîne des douleurs pendant les rapports sexuels et les règles, mais aussi de nombreuses infections des trompes et des voix génitales. Il y a enfin des risques importants lors de l’accouchement à la fois pour la mère et le foetus. Multiplication des césariennes et des épisiotomies pour la mère, risques de souffrances foetales dues à un travail trop long pour l’enfant.

Afrik : Le Burkina Faso est en avance sur les autres pays africains dans la lutte contre l’excision. Quels sont les moyens mis en oeuvre ?
Félicité Bassolé : Une loi contre l’excision a été adoptée dès 1996 qui prévoit une peine d’emprisonnement et une amende non seulement pour l’exciseuse mais aussi pour tous ses complices, la famille et ceux qui tiennent la petite fille pendant l’opération. Mais nous misons aussi sur la sensibilisation de toutes les couches sociales, car ces pratiques perdurent grâce à une méconnaissance des conséquences.

Afrik : Vous avez également mis en place un SOS excision. Quel type d’appel recevez-vous et quelle suite leur donnez-vous ?
Mme Félicité Bassolé : Les appels peuvent dénoncer des actes commis, mais la plupart du temps ils nous préviennent avant que l’excision ait lieu. Nous prévenons alors les services sociaux de la localité qui se rendent sur place pour s’interposer. En général, les gens sont plutôt déroutés que l’on soit au courant et ne manifestent pas d’hostilité. Malheureusement pour l’instant le numéro n’est pas encore vert et tout le monde n’a pas les moyens d’appeler. Mais nous allons faire en sorte qu’il le soit bientôt.

Afrik : Quelle évolution constatez-vous depuis l’instauration de ces mesures ?
Mme Félicité Bassolé : Il y a quelques années, il était impossible d’aborder ce sujet. Aujourd’hui, le débat est engagé au sein des communautés, quelles que soient les classes sociales. Des dénonciations de plus en plus nombreuses nous parviennent. C’est le signe que cela bouge. Et nous sommes maintenant rejoints par de nombreux pays d’Afrique, comme la Côte d’Ivoire, la Guinée ou le Sénégal. Nous ne relâchons pas nos efforts pour autant. Nous envisageons d’intensifier encore l’information sur les méfaits de l’excision par le biais de centres de documentation pour les étudiants, d’émissions de radio et de télévision. Mais le combat est d’ores et déjà bien engagé.

Excision : Deux points de vue africains
par Falila Ghadamassi

Le psychologue togolais Ferdinand Ezembe est le président-fondateur de l’association Afrique Conseil qui s’est fixée pour objectif d’exprimer les opinions des Africains sur des problèmes qui les concernent. Kadidia Sidibe est, quant à elle, la responsable de l’Association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles (AMSOPT), créée en 1984 et agréée en tant qu’ONG en 1991

Afrik.com : Que pensez-vous de l’excision ?
Dr Ezembe : Je voudrais tout d’abord dire que c’est un problème de femmes et que de fait en tant qu’homme je ne suis pas le mieux placé pour donner un avis.
Il est clair que l’excision a eu un sens à une époque donnée. Je vous fais cependant remarquer qu’on ne peut pas se permettre de juger une pratique de l’extérieur. La souffrance est bien sûr universelle mais il faut faire l’expérience de l’excision pour en parler. Dans ma profession, j’ai rencontré des excisées traumatisées et d’autres qui la revendiquaient tout en ne voulant pas l’imposer à leurs filles. Je ne parle pas ici de l’infibulation mais de la simple ablation du clitoris.
J’ai reçu le témoignage d’une femme de l’Afrique de l’Ouest qui m’expliquait qu’elle avait une sexualité normale .Elle avait d’ailleurs attendu l’excision avec impatience pour accéder à un lac où seules les excisées avaient le droit de se baigner. Elle m’a aussi expliqué qu’avant le grand jour, elle avait reçu une initiation sexuelle dont elle n’a pas voulu révéler le contenu puisque c’est un secret d’initiée. Il est normal que l’excision pose un problème dans un univers (le monde moderne) où elle est désacralisée.
Si les risques médicaux sont certains, il est cependant des régions entières où les femmes sont en majorité excisées. Ce ne sont pas pour autant des régions où la population féminine est décimée. En outre ramener le débat sur l’excision à un problème sexuel est quelque peu farfelu. Les femmes frigides, ça existe ! Ne déniions pas cependant la possibilité d’un droit de regard même si il appartient aux femmes des ethnies concernées de décider. Ne nous érigeons surtout pas en donneurs de leçons.

Afrik.com : Que pensez-vous de la position française ? Et de celle des hommes ?
Dr Ezembe : La France attaque l’excision parce que c’est avant tout une pratique africaine. Elle a elle même abrité au 19è siècle, un éminent chirugien, le professeur de Broca, fondateur de l’école anthropologique française qui conseillait l’excision. J’attends le jour où des Africains pourront proscrire une pratique culturelle française sous prétexte de barbarisme. Les hommes et les femmes dans ce domaine se rejettent la responsabilité. C’est le serpent qui se mord la queue. L’excision est devenu un problème économique quand on considère le statut de l’exciseuse.

Afrik.com : La position de l’ethnopsychiatrie telle que développée par Tobie Nathan vous paraît-elle probante en ce qui concerne l’excision ?
Dr Ezembe : La démarche de Tobie Nathan est intéressante parce qu’il est parti de l’assertion que nul ne devait s’ériger en donneur de leçons mais il s’est fait piéger par le travers que lui même dénonçait. Il n’est pas le mieux placé pour parler de l’excision. C’est comme si un psychiatre togolais était l’expert en ce qui concerne des pratiques typiquement occidentales. Tout le monde trouverait cela aberrant. La chose semble moins évidente quand il s’agit de demander l’avis de Nathan sur l’excision.

Afrik.com : Quelle est votre action au Mali et comment est venu votre intérêt pour la lutte contre l’excision ?
K. Sidibe : Je suis enseignante de formation et j’ai été très touchée par la mort d’une de mes élèves qui avait été excisée.

Afrik.com : Que pensez-vous de l’assertion selon laquelle l’excision est une ruse machiste ?
K. Sidibe : Il est vrai que les hommes historiquement en sont les initiateurs. Et ce sous le prétexte de préserver la fidélité des femmes. Ce sont pourtant elles qui la pratiquent et la revendiquent. Elles ont été psychologiquement marquées. On leur a toujours dit que non excisées, elles nuiraient à leurs enfants ou à leurs maris, coeur de leur vie.
Ce n’est pas seulement un concept de villageoises mais c’est aussi celui d’intellectuelles. La différence réside dans le fait qu’elles invoquent la médicalisation. Toute opération est d’ailleurs proscrite par un arrêté au Mali qui prévoit des poursuites pénales. On a constaté des grands changements dans la mesure où dans les 70 villages dans lesquels j’interviens, 20 ont arrêté de pratiquer l’excision.

Afrik.com : Qu’est ce qui vous paraît le plus important à retenir de l’excision ?
K. Sidibe : J’ai toujours cherché à comprendre l’excision. En tant que sonraï, groupe ethnique qui ne pratique l’excision qu’au contact des populations qui le font, je n’avais pas vraiment été confrontée à la chose. Je ne dis jamais que l’excision est une mauvaise chose. Seulement dans la culture africaine, il existe des aspects positifs et négatifs, malheureusement l’excision en fait partie. D’autant plus qu’elle a perdu sa valeur culturelle. L’excision, pratiquée à la puberté était précédée d’une période initiatique pendant laquelle la jeune fille apprenait à satisfaire sexuellement son époux en plus d’être une bonne épouse. C’est aujourd’hui, à mon avis, un problème économique. L’exciseuse dans le village est une femme reconnue qui reçoit des dons des villageois. La fin de l’excision mettrait fin à cet avantage économique non négligeable.
Appel à la solidarité
Suite à son excision, la lycéenne Fanta Camara souffre de troubles graves liés à la rupture de son sphincter urinaire. Une autre jeune fille âgée de 17 ans a besoin d’une intervention chirurgicale. Les internautes qui souhaiteraient aider au financement de ces opérations peuvent entrer en contact avec Fadidia Sidibe, à l’Association malienne pour le suivi des pratiques traditionnelles (AMSOPT), BPE 1543 Bamako (Mali), tél. 00 223 295 895.

E-mail :
amsopt@datatech.toolnet.org

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