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Culture / Histoire / Société

Jeunesse et emploi à Agadez : Une révolution silencieuse

A première vue, le résultat du retour à la paix dans le nord du Niger, notamment à Agadez, est concluant. Meurtrie par cinq années de conflit armé, la région a vécu sous perfusion au gré des convois de vivres et de produits de première nécessité escortés par des militaires à partir de Tahoua. Agadez est devenu, en faveur de la paix, une ville envahie d’agences de voyage, de boutiques d’antiquaires, de télécentres privés, de restaurants, bungalows et hôtels. En marge de tout cela, l’activité initiée par la jeunesse et qui a connue une expansion fulgurante est celle des Taxi-motos.



Une nouvelle mentalité

Le visiteur, retourné à Agadez après une longue absence, est surpris par le dynamisme et la mobilisation des jeunes dont la tranche d’âges varie de 14 à 38 ans autour de cette activité génératrice de revenus. Exit le spectacle de jeunes chômeurs «»tuant le temps» autour d’un thé, adossés aux murs lépreux de la vieille ville.

Ce changement de mentalité a ouvert la voie à une sorte de révolution silencieuse qui explique tout autant la détermination des jeunes que leur optimisme.

Mon métier de conducteur de Taxi-moto me garantie tout au moins mon pain quotidien, même s'il ne m’enrichit pas autrement. C’est beaucoup mieux que lorsque j’étais un tailleur. Etant tailleur, je ne gagne pas grand chose si ce n’est à l’occasion des fêtes. C’est face à cette triste réalité que j’ai opté pour ce métier, témoigne Jalil Bilal, conducteur de Taxi-motos ou Kabou Kabou.

A Agadez, on distingue deux catégories de conducteurs de Taxi-motos. D’une part, il y a ceux qui ont leur moto personnelle (ceux-là travaillent pour leur propre compte) et de l’autre, ceux qui louent les motos de tierces personnes pour travailler. Dans ce dernier cas, c’est une question de confiance qui lie les deux partenaires. Pour ceux dont les motos sont neuves, le versement journalier est de 3000 FCFA soit 21000 F par semaine. Cependant, tout dépend de la qualité de la moto. Ainsi, il y a des versements journaliers de 2500 F et même 2000. Dans ce type de contrat, des difficultés surgissent assez souvent en cas de non versement de la somme attendue.

Malheureusement, depuis trois ans qu’ils exercent ce métier, les Kabou-Kabou n’ont pas songé à mettre sur pied une structure à même de défendre leurs droits et leurs intérêts. En cas d’accident de la circulation, c’est le propriétaire de l’engin qui se charge de la réparation des dégâts matériel, les soins des blessures du conducteur étant à la charge de ce dernier. Or, selon Jalil Bilal, il y a environ quatre cents (400) conducteurs de Taxi-motos dans la commune d’Agadez, de quoi pourtant former un puissant syndicat pour faire face aux difficultés relatives à l’exercice de cette activité.




Selon Monsieur Hassane Attamo, chef de l’unité de chirurgie du centre hospitalier départemental d’Agadez “nous enregistrons à la chirurgie en moyenne cinquante cas d”accidents de la voie publique par mois, toutes catégories confondues (auto-moto, auto piétons, moto-piétons…). Mais pour la plupart, ce sont des accidents urbains dont les motos-taxi détiennent la palme. Au cours de l’année 1999, nous avions enregistré 640 cas d’accidents de la voie publique dont les 70% sont dus aux taxi-motos”.

Face à cette vague d’accidents, les agences d’assurances qui n’ont pas de texte adaptés à cette nouvelle situation, attendent la réaction des autorités politiques. Selon Monsieur Abdoulaye Sambo, représentant de l’Union Générale des Assurances du Niger (UGAN) à Agadez : “du point de vue juridique, il n”y a aucune loi au Niger qui autorise des motos à faire office de taxi. Ici dans la commune, les taxi-motos circulent avec tous les risques. La police et les autorités communales le savent. En cas d’accident, le passager-payant n’est pas couvert par les assurances. L’assurance ne prend en compte que le souscripteur”.

Pour la gestion des sinistres et accidents, tout se règle à l’amiable entre les deux parties. Cet état de fait a été confirmé par la police d’Agadez. En effet, selon l’officier de police Hassane Haoussa Izé. “rare sont les accidents déclarés à la police. Le règlement des problèmes se font à l”amiable. Les Taxi-motos font beaucoup de dégâts dans la ville d’Agadez. Mais le vide juridique ne nous permet pas de bien faire notre travail. Toutefois, nous sommes arrivé à éradiquer les accidents avec délit de fuite en déferant à la justice 3 cas flagrants”.

Chiffres à l’appui, l’inspecteur Sanda Amadou de la police d’Agadez confirme : “les cas d”accidents enregistrés par la police ne rendent pas compte de l’ampleur de la situation. Les chiffres sont parlant ; neuf (9) cas d’accidents en janvier 2000, deux (2) en février, six (6) en mars, dix (10) en avril, cinq (5) en mai et quatre (4) en juin. Or, la réalité est toute autre sur le terrain”.



Le laxisme des autorités communales

Les regards sont maintenant tournés vers la Mairie d’Agadez qui ne fait rien pour changer cette situation. Pour elle, l’essentiel est que les conducteurs de Taxi-motos s’acquittent de la taxe mensuelle de 2.500 F CFA par moto. Et pourtant, les populations se plaignent énormément des fréquents accidents occasionnés par ces conducteurs qui, le plus souvent, n’ont aucune notion en matière de code de la route. De l’avis de Mallam Tahirou, “Il faut mettre de l”ordre dans ce domaine. La vie des vieillards et des enfants est menacée. Renversé par un taxi moto, Mallam Bohari est décédé hier, de suite de ses blessures. Il y a quatre autres vieillards fracturés dans les mêmes conditions dans le quartier de Sabon Gari. A ce rythme, il n’y aura plus de vieillards centenaires à Agadez avec ces bolides”.

En proie à une multitude de problèmes, cette jeunesse mobilisée risque de céder au découragement si rien n’est fait par les autorités. Elles ont le devoir d’entretenir cette flamme de l’espoir que les jeunes par eux-mêmes ont allumée. Des jeunes qui ont pris conscience du fait que l’émigration traditionnelle vers l’eldorado libyen n’est pas une solution durable dans la lutte contre la pauvreté et la misère. Et d’ailleurs, la marche pacifique du 24 août 2000 sur le Sultanat de l’Aïr, et le mémorandum soumis au Sultan de l’Aïr par l’Association pour la Promotion de la jeunesse de l’Aïr (ARJA) Tamalakoye, en dit long sur la volonté de cette jeunesse à se retrousser les manches pour réhabiliter le tissu économique de la région. Vivement, que l’opportunité lui en soit donnée.

Cissé Souleymane Mahamane
Envoyé spécial
Alternative 20 juillet 2001

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